Le retour de Gérard Lambert (33 tours)

"Le retour de Gérard Lambert", publié en 1981, s'inscrit dans un contexte historique et social particulier : celui de l'arrivée de la gauche au pouvoir en France. Cet album reflète les espoirs mais aussi les premières désillusions d'une génération dont Renaud s'est fait le porte-parole. Il marque également un tournant dans la carrière du chanteur, qui commence à jongler avec les contradictions liées à son succès croissant.

L'observation sociale, marque de fabrique de Renaud, atteint une forme de maturité dans cet album. "Mon beauf" est devenu un classique incontournable, ajoutant même un terme au lexique français. Cette description implacable du Français moyen, petit-bourgeois aux idées étroites, représente l'archétype du portrait sociologique selon Renaud : précis, caustique mais jamais totalement dénué d'empathie. "La Blanche" aborde quant à elle le sujet délicat de la toxicomanie avec une sensibilité rare, évitant tant la condamnation moralisatrice que la glorification.

Musicalement, l'album poursuit l'évolution amorcée avec "Marche à l'ombre". Les arrangements de Jean-Philippe Goude apportent une couleur sonore distinctive, avec des influences rock plus marquées notamment dans "Mon beauf'" et "Soleil immonde". Cette évolution musicale accompagne naturellement des textes plus incisifs et plus directement politiques.

L'humour, composante essentielle de l'œuvre de Renaud, reste très présent malgré la gravité de certains sujets abordés. "Oscar" et "J'ai raté Télé-Foot" illustrent sa capacité à transformer des anecdotes apparemment banales en saynètes savoureuses, où le rire naît autant de la justesse des observations que des jeux de langage.

"Le retour de Gérard Lambert" occupe ainsi une place charnière dans la discographie de Renaud, entre ses débuts de chroniqueur urbain et l'artiste populaire majeur qu'il deviendra dans les années suivantes, capable d'allier succès commercial et intégrité artistique.