Deuxième génération
Deuxième génération

Deuxième génération

Description

J'm'appelle Slimane et j'ai quinze ans,
j'vis chez mes vieux à La Courneuve,
j'ai mon C.A.P d'délinquant,
j'suis pas un nul, j'ai fait mes preuves,
dans la bande, c'est moi qui est le plus grand,
sur l'bras j'ai tatoué une couleuvre.

J'suis pas encore allé en taule,
paraît que c'est à cause de mon âge,
paraît d'ailleurs qu'c'est pas Byzance,
que t'es un peu comme dans une cage.
Parce que ici tu crois qu'c'est drôle,
tu crois qu'la rue c'est les vacances ?

J'ai rien à gagner, rien à perdre
même pas la vie,
j'aime que la mort dans cette vie d'merde,
j'aime c'qui est cassé, j'aime c'qui est détruit,
j'aime surtout tout c'qui vous fait peur,
la douleur et la nuit.

J'ai mis une annonce dans Libé'
pour m'trouver une gonzesse sympa
qui bosserait pour m'payer ma bouffe,
vu qu'moi, l'boulot pour que j'y touche
y m'faudrait deux fois plus de doigts
comme quoi, tu vois, c'est pas gagné.

C'que j'voudrais, c'est être au chôm'du,
palper du blé sans rien glander.
Puis comme ça, j'serais à la sécu',
j'pourrais grattos me faire remplacer
toutes les ratiches que j'ai perdues
dans des bastons qu'ont mal tourné.

J'ai rien à gagner, rien à perdre
même pas la vie,
j'aime que la mort dans cette vie d'merde,
j'aime c'qui est cassé, détruit,
j'aime surtout tout c'qui vous fait peur,
la douleur et la nuit.

J'ai même pas d'thunes pour m'payer d'l'herbe
alors, je m'défonce avec c'que j'peux,
le trychlo, la colle à rustine
c'est vrai qu'des fois ça fout la gerbe
mais pour le prix, c'est ce qu'on fait d'mieux
et puis, ça nettoie les narines.

Le soir, on rôde sur les parkings,
on cherche une B.M. pas trop ruinée,
on l'emprunte pour une heure ou deux,
on largue la caisse à la Porte Dauphine,
on va aux putes, juste pour mater,
pour s'en souvenir l'soir dans nos pieux.

J'ai rien à gagner, rien à perdre
même pas la vie,
j'aime que la mort dans cette vie d'merde,
j'aime c'qui est cassé, j'aime c'qui est détruit,
j'aime surtout tout c'qui vous fait peur,
la douleur et la nuit.

Y'a un autre truc qui m'branche aussi,
c'est la musique avec des potes
on a fait un groupe de hard rock,
on répète le soir dans une cave
sur des amplis un peu pourris,
sur du matos un peu chourave.

On a même trouvé un vieux débile
qui voulait nous faire faire un disque,
ça a foiré parce que c'minable
voulait pas qu'on chante en kabyle,
on lui a mis la tête contre une brique
que même la brique, elle a eu mal.

J'ai rien à gagner, rien à perdre
même pas la vie,
j'aime que la mort dans cette vie d'merde,
j'aime c'qui est cassé, détruit,
j'aime surtout tout c'qui vous fait peur,
la douleur et la nuit.

Des fois, j'me dis qu'à trois milles bornes
de ma cité, y'a un pays
que j'connaîtrai sûrement jamais,
que p't'être c'est mieux, p't'être c'est tant pis,
qu'là-bas aussi, j's'rai étranger
qu'là-bas non plus, je s'rai personne.

Alors, pour m'sentir appartenir
à un peuple, à une patrie,
j'porte autour d'mon cou sur mon cuir
le keffieh noir et blanc et gris,
j'me suis inventé des frangins,
des amis qui crèvent aussi

J'ai rien à gagner, rien à perdre
même pas la vie,
j'aime que la mort dans cette vie d'merde,
j'aime c'qui est cassé, j'aime c'qui est détruit,
j'aime surtout tout c'qui vous fait peur,
la douleur et la nuit.

Fiche technique
  • Compositeur

    Renaud Séchan

  • Auteur

    Renaud Séchan

  • Année

    1983

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