Morts les enfants
Chiffon imbibé d'essence,
un enfant meurt en silence
sur le trottoir de Bogota,
on ne s'arrête pas.
Dechiqu'tés aux champs de mines,
décimés aux premières lignes,
morts les enfants de la guerre
pour les idées de leur père
Bal à l'ambassade,
quelques vieux malades
imbéciles et grabataires
se partagent l'univers.
Morts les enfants de Bophal,
d'industrie occidentale
partis dans les eaux du Gange,
les avocats s'arrangent.
Morts les enfants de la haine
près de nous où plus lointaine,
morts les enfants de la peur
chevrotine dans le cœur.
Bal à l'ambassade,
quelques vieux malades
imbéciles et militaires
se partagent l'univers.
Morts les enfants du Sahel,
on accuse le soleil
morts les enfants de Seveso,
morts les arbres, les oiseaux.
Morts les enfants de la route,
dernier week-end du mois d'août,
papa picolait sans doute,
deux ou trois verres, quelques gouttes.
Bal à l'ambassade,
quelques vieux malades
imbéciles les tortionnaires
se partagent l'univers.
Mort l'enfant qui vivait en moi,
qui voyait en ce monde-là
un jardin, une rivière
et des hommes plutôt frères.
Le jardin est une jungle,
les hommes sont devenus dingues,
la rivière charrie les larmes,
un jour l'enfant prend une arme.
Bal sur l'ambassade,
attentat grenade
hécatombe au ministère
sous les gravats, les grabataires.