Auprès de mon arbre
J'ai plaqué mon chêne
comme un saligaud,
mon copain le chêne,
mon alter ego.
On était du même bois
un peu rustique, un peu brut,
dont on fait n'importe quoi
sauf, naturell'ment, les flûtes...
J'ai maint'nant des frênes,
des arbres de Judée,
tous de bonne graine,
de haute futaie...
Mais, toi, tu manque' à l'appel,
ma vieill' branche de campagne,
mon seul arbre de Noël,
mon mât de cocagne !
Auprès de mon arbre,
je vivais heureux,
j'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre...
Auprès de mon arbre,
je vivais heureux,
j'aurais jamais dû le quitter des yeux...
Je suis un pauv' type,
j'aurai plus de joie :
j'ai jeté ma pipe,
ma vieill' pipe en bois,
qui' avait fumé sans s' fâcher,
sans jamais m' brûler la lippe,
l' tabac d' la vache enragée
dans sa bonn' vieill' têt' de pipe...
J'ai des pip's d'écume
orné's de fleurons,
de ces pip's qu'on fume
en levant le front,
mais j' retrouv'rai plus, ma foi,
dans mon cœur ni sur ma lippe,
le goût d' ma vieill' pip' en bois,
sacré nom d'un' pipe !
Auprès de mon arbre,
je vivais heureux,
j'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre...
Auprès de mon arbre,
je vivais heureux,
j'aurais jamais dû le quitter des yeux...
Le surnom d'infâme
me va comme un gant :
d'avecque ma femme
j'ai foutu le camp,
parc' que, depuis tant d'anné's,
c'était pas un' sinécure
de lui voir tout l' temps le nez
au milieu de la figure...
Je bats la campagne
pour dénicher la
nouvelle compagne
valant celle-là,
Qui, bien sûr, laissait beaucoup
trop de pierr's dans les lentilles,
mais se pendait à mon cou
quand j' perdais mes billes !
Auprès de mon arbre,
je vivais heureux,
j'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre...
Auprès de mon arbre,
je vivais heureux,
j'aurais jamais dû le quitter des yeux...
J'avais un' mansarde
pour tout logement,
avec des lézardes
sur le firmament.
Je l' savais par cœur depuis
et, pour un baiser la course,
j'emmenais mes bell's de nuit
faire un tour sur la grande Ourse...
J'habit' plus d' mansarde,
il peut désormais
tomber des hall'bardes,
je m'en bats l'œil mais,
mais si quelqu'un monte aux cieux
moins que moi, j'y pai’ des prunes :
y' a cent sept ans, qui dit mieux,
qu' j'ai pas vu la lune !