Pour Karim, pour Fabien
C'était en 77,
je slammais pour la première fois de ma carrière
sur un texte qui s'appelait "Peau aime".
P-e-a-u-a-i-m-e.
J'étais en quelque sorte un précurseur,
ouais je sais, je me la pète un petit peu.
Pour l'ami Karim et Fabien dit "Grand Corps Malade",
tous deux grands slammeurs devant l'éternel
j'ai écrit un texte que j'ai récité pour la première fois
au café culturel de Saint Denis
dans une soirée qui s'intitulait "Slamalekoum"
du 14 décembre 2007, soit 30 ans après "Peau aime"
Pour Karim pour Fabien, les détrousseurs de rimes,
défricheurs de quatrains, sans dictionnaires de frime,
pour ces petits frangins déjà bien plus grands qu'moi
qui m'enterreront demain si c'n'est pas fait déjà,
j'voudrais offrir ce slam un peu ripoux, bancal.
Rigole pas ma petite dame ou j'te slame une mandale.
Ça sera mon tout premier, j'vous vois venir les tapettes,
pourvu qu'ce soit l'dernier, qu'vous vous dîtes en cachette.
Pour Fabien, pour Karim et pour tous vos potos,
j'ai torché ces pauv' rimes ce matin au bistrot.
J'vais vous les balancer, a capella, vaut mieux,
j'vais pas vous imposer, en plus, ma 'sique de vieux.
Ça sera pas un hommage, plein d'clichés, d'lieux communs
style "putain j'ai la rage, vous écrivez trop bien".
Comme chuis un poil pudique, j'vais pas vous sucer
et puis surtout pas en public, on n'est pas chez Cauet.
Pour Karim, pour Fabien qui parfois me citez
au milieu d'quelques uns dont vous vous prétendez
un petit peu les enfants ou voire les héritiers,
j'voulais vous retourner l'compliment de manière détournée,
j'vais chercher la petite bête, dans vos slams, dans vos bouches,
même si j'adore vos textes, j'aime enculer les mouches.
Alors j'vous dirais que, malgré tout l'amour
que j'ai pour vos couplets, ça manque un peu d'humour
et malgré la passion que m'inspire votre vécu
ça manque un peu d'nichons, ça manque un petit peu d'cul.
Pour Fabien, pour Karim, porte-voix des cités,
quand j'analyse vos rimes, j'me dis un peu "fais chier",
il n'y a pas d'autres mots, qu'"périphérique" ou "keufs",
pour décrire vos ghettos, parlez moi d'vos meufs.
Au lieu d'vous répandre sur les banlieues d'embrouille
dîtes moi si vos femmes bandent quand elles pensent à vos couilles.
Plutôt qu'poétiser "fraternité, marmots"
dîtes nous quand vous niquez, si elles crient "Renaud".
Pour Karim, pour Fabien, qui ont qu'le mot "police"
à longueur de quatrain quand j'attends "clitoris",
qui disent "93" pour parler d'leur pays
quand j'attends "hé, ça baise comme des Dieux à Saint Denis",
vous parlez de la lutte pour des vies moins tragiques
mais jamais des turluttes derrière la basilique,
des gamins qu'ont la frite, d'leur exploits, d'leurs envies
mais jamais des coups d'bites dont ils sont tous sortis.
Pour Fabien, pour Karim, quand l'premier rime en "sein"
et le second en "pine", je vais conclure enfin
sans rajouter d'couplet, sans l'hymne à la sodo
sans les culs à bouffer qui manquent à vos brûlots.
Je termine mon poème, mon slam un peu vulgos
plein de mouille et de sperme qui n'choquera qu'les craignos.
J'vous autorise quand même, si vous m'trouvez trop nul
quand j'vous dis "je vous aime", à m'répondre "on t'encule"