Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?
J'veux qu'mes chansons soient des caresses,
ou bien des poings dans la gueule.
A qui qu'ce soit que je m'agresse,
j'veux vous remuer dans vos fauteuils.
Alors écoutez moi un peu,
les pousse-mégots et les nez-d'boeux,
Les ringards, les folkeux, les journaleux.
D'puis qu'y'a mon nom dans vos journaux,
qu'on voit ma tronche à la télé,
où j'vends ma soupe empoisonnée,
vous m'avez un peu trop gonflé.
J'suis pas chanteur pour mes copains,
et j'peux être teigneux comme un chien.
J'déclare pas, avec Aragon,
qu'le poète a toujours raison.
La femme est l'avenir des cons,
et l'homme n'est l'avenir de rien.
Moi, mon av'nir est sur zinc
d'un bistrot des plus cradingues,
mais bordel ! où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?
J'vais pas m'laisser emboucaner
par les fachos, pas les gauchos,
tous ces pauv'mecs endoctrinés
qui foutent ma révolte au tombeau.
Tous ceux qui m'traitent de démago
dans leurs torchons qu'j'lirai jamais :
"Renaud c'est mort, il est récupéré" ;
tous ces p'tits bourgeois incurables
qui parlent pas, qu'écrivent pas, qui bavent,
qui vivront vieux leur vie d'minables,
ont tous dans la bouche un cadavre.
T't'façon, j'chante pas pour ces blaireaux,
et j'ai pas dit mon dernier mot.
C'est sûr'ment pas un disque d'or,
ou un Olympia pour moi tout seul,
qui me feront virer de bord,
qui me feront fermer ma gueule.
Tant qu'y' aura d'la haine dans mes s'ringues,
je ne chant'rai que pour les dingues,
mais bordel ! où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?
Y'a pas qu'les mômes, dans la rue,
qui m'collent au cul pour une photo,
y'a même des flics qui me saluent,
qui veulent que j'signe dans leurs calots.
Moi j'crache dedans, et j'crie bien haut
qu'le bleu marine me fait gerber,
qu'j'aime pas l'travail, la justice et l'armée.
C'est pas demain qu'on m'verra marcher
avec les connards qui vont aux urnes,
choisir c'lui qui les f'ra crever.
Moi, ces jours-là, j'reste dans ma turne.
Rien à foutre de la lutte des crasses,
tous les systèmes sont dégueulasses !
J'peux pas encaisser les drapeaux,
quoiqu'le noir soir le plus beau.
La marseillaise, même en reggae,
ça m'a toujours fait dégueuler.
Les marches militaires, ça m'déglingue
et votr' République, moi j'la tringle,
mais bordel ! où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?
D'puis qu'on m'a tiré mon canif,
un soir au métro Saint-Michel,
j'fous plus les pieds dans une manif
sans un nunchak' ou un cocktail.
A Longwy comme à Saint-Lazare,
plus de slogans face aux flicards,
mais des fusils, des pavés, des grenades !
Gueuler contre la répression
En défilant "Bastille-Nation"
quand mes frangins crèvent en prison
ça donne une bonne conscience aux cons,
aux nez-d'boeux et aux pousse-mégots
qui foutent ma révolte au tombeau.
Si un jour j'me r'trouve la gueule par terre,
sûr qu'ça s'ra d'la faute à Baader.
Si j'crève le nez dans le ruisseau,
sûr qu'ça s'ra d'la faute à Bonnot.
Pour l'instant, ma gueule est sur le zinc
d'un bistrot des plus cradingues,
MAIS FAITES GAFFE ! J'AI MIS LA MAIN SUR MON FLINGUE !