Pleure pas
Tu retournes maintenant chez toi,
tes jambes sont un peu fragiles,
tu évites les regards sur toi,
les crois
hostiles.
Tu laisses derrière toi la chambre
blanche et froide comme un suaire
où l’on a touché à ton ventre
de mère,
de mère.
L’infirmière avait trop bon cœur,
n’a fait ni sermon ni morale,
devait connaître ta douleur
fatale,
fatale.
Pleure pas,
pleure pas,
c’est ton corps, c’est ton droit.
Pleure pas,
pleure pas,
un jour tu le garderas
pour toi.
Criminelle, qui peut le dire,
as-tu mis fin à une vie ?
La tienne aurait-elle été pire
près d’elle
ou lui ?
Tu n’aimais guère le papa,
ne l’as connu que quelques jours.
Fut-ce un cadeau qu’il te fît là
d’amour,
d’amour.
Pleure pas,
pleure pas,
c’est ton corps, c’est ton choix.
Pleure pas,
pleure pas,
un jour tu le garderas
pour toi.
Sans travail et sans domicile
qu’une chambre chez tes parents
ça n’aurait pas été facile
pourtant,
pourtant
tu pleures cet enfant perdu
qui n’aura jamais de prénom,
envolé aussitôt conçu,
c’est con,
trop con.
Pleure pas,
pleure pas,
c’est ton corps, c’est ton droit.
Pleure pas,
pleure pas,
un jour tu le garderas
pour toi.
Tu retournes maintenant chez toi,
tes jambes sont un peu fragiles,
la vie arrive, la vie s’en va,
pour lui,
pour toi.